Je ne suis pas économiste, loin de là, et pardonnez-moi si j'écris des choses qui peuvent paraître simplistes aux yeux de certains. Je vous livre ici simplement ma perception des choses telles que je les ai vues et vécues, notamment au cours de nos rencontres véritablement fructueuses avec les acteurs économiques d'Assikoi. Citons pour commencer les différentes catégories socio-professionnelles. Dans ce pays principalement agricole, les planteurs viennent bien évidemment largement les 1ers. Je n'ai pas les chiffres, mais j'ai eu l'impression que la quasi-totalité des habitants était planteur. Il y a ensuite les commerçants, les artisans. Il y a également les fonctionnaires représentés par le personnel médical et les enseignants. Je ne sais pas s'il y a de police, mais en tout cas je n'ai pas rencontré de policier clairement identifié (…) Il n'y a pas encore de Mairie, donc pas de personnel communal. Par contre, il y a une sous-préfecture, mais je ne sais pas si le personnel vit sur place, à Assikoi. A chaque fois que je suis passée devant le bâtiment, celui-ci me semblait fermé, et d'ailleurs nous n'avons pas pû rencontrer la sous-préfète car elle n'est jamais venue durant toute la durée de notre séjour. Je vais commencer par décrire la situation des planteurs car il me semble, ou plutôt, je suis convaincue, que c'est à partir d'eux que tout le reste de l'économie locale découle. LES PLANTEURS Comme tous les planteurs de Côte d'Ivoire, ils cultivent essentiellement du café et du cacao (la Côte d'Ivoire est un des 1ers producteur mondiaux). C'est un travail très difficile car il est réalisé avec pour seul outil une machette. Nous sommes en zone tropicale, la nature est donc impitoyable. Les plantes poussent sans cesse tout au long de l'année, il fait extrêmement chaud et humide. Les champs peuvent être situés très loin des habitations car il faut les laisser se reposer entre les récoltes. Que de fois je les ai vus revenir si fatigués de leur journée ! Je garde en tête cet homme que nous avons rencontrés un soir alors qu'il rentrait de son champs. On lui demande "les nouvelles" et il nous répond qu'il est fatigué de travailler tout au long de la journée et de ne pas manger le soir, ou si peu. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'il ne vit pas de son travail qui l'occupe pourtant à 100% de son temps. Il n'est tout simplement pas rémunéré décemment. Parce que le prix de la vente de sa production dépend des fluctuations boursières. Parce qu'ils dépendent des intermédaires car ils n'ont pas l'argent pour payer une taxe d'accès direct au port d'où partira leur marchandise. Parce qu'ils produisent de moins en moins car ils n'ont pas d'argent pour acheter de l'engrais. Avec Ryad, nous pensons qu'il y a des solutions et nous oeuvrons actuellement pour voir comment les mettre en pratique. Par exemple, pourquoi ne pas penser à la filière du commerce équitable ? C'est une activité qui se développe de plus en plus, et même si les parts de marchés restent secondaires, elles augmentent et elles sont bien réelles. Mais nous devons aller plus loin car cette solution ne suffit pas en elle-même. Nous pensons qu'il faut également apporter de la valeur ajoutée à ce café et à ce cacao. Pourquoi ne pas le torréfier directement sur place ? Ainsi, nous aurions un produit fini. Ne trouvez-vous pas étrange que nous, en Europe notamment, nous payons toujours le café au même prix ? Ca veut bien dire que les intermédiaires prennent de l'argent au passage, non ? Si les planteurs n'étaient plus tributaires des hauts et des bas de la bourse, ils pourraient enfin compter sur des revenus relativement stables. Le marché intérieur de Côte d'Ivoire est totalement squatté, sur le café, par … Nestlé ! Notre cher Jonathan nous a même écrit que peu d'Ivoiriens pouvaient se permettre le luxe de boire du café le matin ! Parce qu'une fois torréfié, effectivement, il prend enfin de la "vraie" valeur ! Les débouchés pourraient donc être nombreux localement et à l'exportation -via, concernant les pays riches, une filière de commerce équitable. Mais on peut penser aussi à d'autres marchés d'Afrique, comme l'Algérie par exemple, grande consommatrice. Reste à voir la qualité du café et du cacao produits sur les terres d'Assikoi. Avec Ryad, nous avançons donc sur ce sujet, et nous sommes bien entendu à l'écoute d'idées et de suggestion sur ce sujet … Une famille de planteursUne femme revient des champs

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LES COMMERCANTS ET LES ARTISANS Pour illustrer ce qui va suivre, je vais commencer par un exemple très concret qui vient juste de se produire : Dernièrement, le village était censé fêter Pâques. Les commerçants se sont préparés à cette période où la population consomme le plus (avec celle de Noël) en faisant des stocks. Ils pensaient pouvoir faire des bénéfices conséquents. Or, au même moment les cours du café ont chuté. Du coup, les habitants ont beaucoup moins consommé que d'habitude, non par morosité, mais tout simplement parce qu'ils n'avaient pas d'argent ! Résultat : moins de bénéfices pour tous les commerçants (bistrots, restaurants, coiffeurs, couturiers, marchands de chaussures, etc…). Et c'est donc tout le village qui en a pati. Si les planteurs ne gagnent pas d'argent, le village ne pourra jamais sortir de sa pauvreté. Les commerces seront toujours aussi misérables, aussi peu achalandés, les artisans n'auront toujours pas de commandes donc pas les moyens d'acheter des outils, la santé sera toujours aussi mauvaise parce que les gens n'auront pas les moyens de se soigner, les enfants iront toujours aussi peu à l'école parce qu'ils devront vite travailler, et ainsi de suite. Quand je parle de commerces misérables, je ne veux pas être méprisante. Mais il faut bien reconnaître qu'ils n'ont aucun stock ! Il y a le marché, où les assikoiens et d'autres venus d'Adzopé (la "grande ville" située à 15 km) vendent quelques produits : du poisson séché (toujours séchés, uniquement séchés car il n'y a pas de réfrigérateurs …), des fruits et légumes. Sur ce marché, il y a aussi des "quincailleries", des "drogistes", des marchands de tissus, de chaussures, cordonniers (oui, oui, le plastique chinois se répare très bien !) , etc… bref, tout ce qu'on peut imaginer trouver sur un marché de la vie quotidienne. En commerces "en dur", avec boutique, on trouve également quelques épiciers, coiffeuse, tailleurs, menuisier, maquis (bistrots), retaurant. Je pense que les photos parleront d'elles-mêmes sur l'achalandage. Et pour cause, et j'en reviens encore au 1er point, les principaux clients sont … des planteurs ! Images du marché : Etal sur le marchéMarchande de tissus sur le marché Marchande de savonsMarchande de "plats à emporter"

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Marchande de cacaoPetit marchand de noix de cocomarchande sur le marché Images de commerces : Le tailleur et son ouvrièreAu maquis Une épicerieLa coiffeuse

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LE SYSTEME BANCAIRE J'ai été étonnée de voir autant de tirelires en vente. J'ai vite compris qu'effectivement, quand on est pauvre, on n'a pas accès aux banques (il y en a à Adzopé, y compris avec distributeur). Alors, les prêts, n'en parlons pas ! Et pourtant, il suffirait parfois de peu pour lancer une personne désireuse de lancer une activité. Je repense à cette femme que nous avons rencontrée et qui nous disait qu'elle avait envie de fabriquer du savon pour le vendre sur le marché. Acuellement, ce sont des adzopéens qui viennent le vendre sur le marché d'Assikoi. Cependant, cette femme n'a pas l'argent pour acheter la matière première. Et la solidarité familiale ne joue qu'en cas de coup dur et grave, par exemple le financement en commun d'une sépulture, mais visiblement pas sur l'aspect économique. Le système bancaire : la tirelire Cliquez pour agrandir Ici aussi, nous pensons qu'il y a moyen d'aider de petits projets en apportant la mise de départ. Notre association souhaite d'ores et déjà approfondir ce thème du micro-crédit et les associations de jeunes sur place se chargent de rassembler divers projets. Affaires à suivre ! En conclusion, cet article n'est qu'un petit tour d'horizon de la situation. Il est clair que je n'ai pas tout dit, et je pense que ceux qui connaissent bien le sujet réagiront en apportant leur vision des choses. N'hésitez donc pas à compléter mes propos dans les commentaires. Ensemble, nous y arriverons ! En cliquant sur le lien : http://www.chellali.net/Document(52).jpg, Robert Mondange, de l'assoication des Amis du Pays d'Assikoi nous livre un schéma très intéressant de l'historique de la situation actuelle.

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8 pensées sur “L’ARGENT, LE NERF DE LA GUERRE

  1. Camarade,

    C’est bien un premie mai pour ceux qui l’auraient oublié. Sinon, je suis entièrement d’accord. Comment se fait-il que le kilo de café soit vendu brut à 0.30euros et on le retrouve quasiment 6euros sur le étals: 20 fois plus. L’équité oblige à repenser les transactions. Ce n’est pas moi ni celui qui est à Assikoi qui en profitons.

  2. Je suis sûr que cette analyse est réaliste. Après l’analyse: les solutions possibles et après les solutions possibles: leur mise en oeuvre sachant qu’on ne peut tout faire…On va en discuter en réunion de bureau le 5 mai pour voir comment l’association pourrait soutenir d’autres initiatives que celles déjà engagées…
    Oui on est le premier mai et le brun de muguet est à 2 euros…de quoi nourrir le planteur durant plusieurs jours…

  3. salut,
    tres vrais ce que tu dis amie,
    reste à donner un vrai coup de pousse afin que ce village et ses habitant soient en mouvement
    je suis fier et très fier que les choses avancent
    Francois Yapo Assi

  4. Pour comprendre Assikoi, il faut observer l’évolution démographique et économique de 1955 à 1995. De 1955 à 1980 c’est la période de prospérité économique. A tel point que des Burkinabés, des Maliens, des Nigérians… viennent travailler à Assikoi. En 1955 la population est de 780 habitants en 1980 est proche de 2900 habitants. Le café et le cacao se vendent bien. D’autant plus que les planteurs sont regroupés au sein d’un coopérative à vocation agricole la GVC. Cette dernière recueille les productions des différents planteurs, et comme elle a des quantités importantes, elle revend à des prix compétitifs. De ce fait elle a des ressources financières qui lui permettent de payer les récoltes aux planteurs à un bon prix. Les planteurs emploient la main d’œuvre étrangère qui vient d’arriver au village et, de ce fait, entretiennent correctement les plantations. En outre les planteurs peuvent acheter les engrais, les produits phytosanitaires, nourrir convenablement leur famille et maintenir leurs enfants à l’école. En 1983 une terrible sècheresse décime une partie des plantations, les productions diminuent. La coopérative baisse ses activités, on ne peut plus payer la main d’oeuvre, acheter les engrais, les produits phytosanitaires. La coopératif fini par disparaître. Aujourd’hui, faute de moyens, les planteurs produisent peu et vendent eux mêmes à des négociants qui imposent les prix. Malheureusement, ce n’est pas tout, au même moment survient la chute des cours du café et du cacao et en 1994 la chute de 50% du franc CFA.
    Les champs sont situés à plusieurs kilomètres du village, souvent les planteurs sont obligés de dormir aux champs, les conditions y sont précaires. Pour nettoyer un champ à la machette, un homme seul y met un mois et quand il a fini à un bout, il faut recommencer à l’autre bout. Les hommes, les femmes et les enfants qui vont aux champs marchent bien souvent avec de grosses bottes en caoutchouc, car le danger des serpents est latent. Il y a à Assikoi des couturiers planteurs. Comme ils ne peuvent pas vivre de leur métier de couturier, faute de clients, ils vont travailler aux champs. En période de fêtes, Noël, Pâques, ils reprennent, souvent de nuit, leur métier.
    Il est possible d’aider Assikoi. Avec peu de moyens nous avons créé à Assikoi, deux commerces de charbon de bois, un magasin de vente d’articles en plastique et un commerce de balais. Nous travaillons en collaboration avec l’association Assikoi de Noyant et l’association parisienne Kwaba. Il faut faire très attention de ne pas créer des commerces qui entreraient en concurrence. Le développement de petits commerces et de petites activités sont des pistes à exploiter. Mais il ne faut pas oublier les grosses structures. Par exemple : la construction du collège va amener une nouvelle population à Assikoi. Si parallèlement on peut développer le centre de santé on peut espérer l’arrivée d’une nouvelle population qui pourra peut être faire vivre les petits commerces. Il serait également possible de s’intéresser aux autres cultures. Par exemple le manioc. Il faudrait pouvoir le transporter. Pour l’instant se sont des femmes venues d’Abidjan ou d’Adzopé qui viennent le chercher et qui imposent les prix. La production de légumes est également possible à condition de résoudre le problème de la conservation et du transport vers les centres urbains.
    Robert MONDANGE. Association humanitaire Les AMIS DU PAYS D’ASSIKOI.

  5. Robert explique bien le contexte d’Assikoi maintenant sans ressources ou presque et avec 6500 habitants au moins…Outre les urgences que nous essayons de traiter modestement il est vrai que le véritable problème consiste à trouver des ressources à valoriser dont tout ce qui concerne la nourriture. Vus nos modestes moyens il faut y aller pas à pas et finir ce qu’on entame avant d’investir dans d’autres choses, ce qui n’empêche pas d’y réfléchir. La valorisation locale du café telle que le proposait Ryad est une chose très intéressante. Mais comment trouver le matériel à un coùt adapté à nos moyens et à leur savoir-faire?

  6. à Laurence,
    suis heureux de savoir que le voyage effectué à 6 cette année apporte un bonus à notre association. Vous (qui n’êtes pas nés dans le village) et nous, (Germaine et moi) ensemble, avons vu sous différents angles les problèmes des habitants d’ASSIKOI et je pense que desormais les discussions dans les réunions seront plus objectives.
    Il nous reste maintenant à diffuser largement ton blog afin que plusieurs personnes sachent un peu sur ASSIKOI.
    Bon travail tout ce que tu fais espérant toucher des gens comme ceux à qui Jésus a dit : « Heureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru » et ceux comme St THOMAS, qui ne croient que ce qu’ils voient. A ces derniers, je leur souhaite bon voyage.

  7. @tous,
    Dans mon court message, je faisais allusion au café. C’est peut être un peu prématuré mais ce n’est pas par hasard. Je n’ai pas vu de mes yeux Assikoi, n’empêche, je viens d’un pays qui a les mêmes symptômes, et dont malheureusement les effets perdurent comme s’ils étaient inscrits dans les gènes, une sorte de malédiction éternelle. La seule richesse qui compte pour moi c’est l’homme, le reste c’est des moyens. Que serait Singapour sans les Singapouriens: ils n’ont même pas d’eau, ils l’importent de Malaisie. En Afrique en général, il existe des gens de bonne volonté plus qu’on ne le croit. Il existe aussi des gens de qualité qui peuvent produire des miracles. Ce que nous faisons tous est extrêmement important, mais il faut s’inscrire dans le temps et surtout optimiser les petites ressources que nous avons. D’abord un diagnostic: Robert dresse un tableau fidèle, réaliste, et non misérabiliste. Daniel et Germaine nous en parler et sensibiliser au sujet. Laurence et Emeric ont eu un regard extérieur et nouveau. La somme de ces expériences et point de vue est essentielle. Elle permet à des gens comme de comprendre, de sentir Assikoi. Maintenant les solutions. A mon avis les solution est à Assikoi même. Comme le suggère Robert, c’est la valorisation en locale des produits d’Assikoi qui peut être motrice: cela permettra de fixer les gens sur place au lieu d’aller à Abidjan, cela permettra de créer une économie locale où l’argent circulera pour le bien de tous. Comme Philippe le dit à la fin du message: quel est le savoir faire local pour amorcer cette économie? Quelles sont les compétences locales qui peuvent initier ce mouvement. C’est peut être la solution micro-crédit à l’étude à Noyant? A mon humble avis c’est la bonne solution, au moins pour démarrer car c’est la phase critique: que les gens d’Assikoi reçoivent le petit coup de pouce pour démarrer, charge à eux après de remettre dans le circuit une partie de leur travail. Mais la dessus, il faut être conscient que la bonne volonté et la force du travail seuls ne suffisent pas: il faut de la persévérance, de l’organisation et surtout une ambition à long terme. Je boucle la boucle sur le café, objectif provocateur mais réalisable. Une machine pouvant absorber la production d’Assikoi et les environs coute à peu près 196 000euros. Ce n’est pas nous tous réunis qui pourront demain réunir cette somme. Notre role c’est d’aider à dégripper une machine qui a été arreté pour diverses raisons. C’est à cette machine, à ces villageois de se fixer un tel objectif ou un autre, en fait peu importe, pourvu qu’il soit le leur et qu’ils y croient.

  8. salut à tous,
    vu tous ces commentaires qui suscitent des problématiques diffrérentes la recherche de solutions idoines pour assikoi. Nous pouvions tirer comme conclusion de solution un thème de la sorte: Assikoi pour le développement d’Assikoi.
    ce qui signifie que les filsq et filles du village doivent etre conscient de la nature actuelle du village. c’est le combat que mène Pacome et Francois dépuis les années 2005. une fois résolu ce point la machine peut fonctionner BIEN ET A BON PAS
    que Dieu benisse Assikoi.

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