Le calme après la tempête ?


Parfois, le hasard fait bien les choses, et notamment pour les photographes 😉 Vous souvenez-vous de la tempête Eunice qui s’est abattue sur le nord de l’Europe le 18 février dernier, la pire depuis 30 ans ? Et bien j’y étais ! Enfin, plus , précisément j’y étais le lendemain sur une de ces magnifiques plages de Hollande, à La Haye. En fait je n’ai pas fait exprès et j’ai même failli ne pas pouvoir y aller étant donné que mon vol a été annulé la veille (décidément j’ai la malédiction des annulations d’avions !) Mais j’avais prévu ce week-end pour aller voir ma plus jeune fille qui étudie à Amsterdam et nous voulions passer un moment ici. Et nous n’avons pas été déçues !

Stupéfiant, magique, irréel, voilà les mots qui me viennent à l’esprit à l’évocation de ce paysage qui s’est découvert à nous en arrivant sur la plage Kijkduin Nude !

Bien plus que la mer déchaînée, ce sont les mouvements du sable qui étaient fascinants et qui nous ont transportées sur une autre planète. La furie du vent soulevait les grains au ras du sol, créant un tapis cotonneux et on aurait pu croire qu’on marchait sur une sorte de nuage mouvant. Parfois, ce tapis laissait entrevoir des conglomérats de sable humide créant des aspérités qui faisaient contraste avec la douceur apparente du « nuage ».

Douceur apparente s’il en faut ! Car évidemment le sable ne restait pas au ras du sol, et si dos au vent on ne se rendait pas compte de la piqure des grains, face au vent (et à la pluie bien sûr !) c’était une tout autre histoire ! Et nous avons d’ailleurs commis l’erreur stupide de nous laisser porter par le vent au début de notre pérégrination, sans penser au retour. Arf, revenir sur nos pas a été pire que gravir un dénivelé de 1000 mètres à l’aveuglette 😉 Face au vent, sans lunettes pour nous protéger du sable et de la pluie, le retour a été long, très long. Et j’avoue, qu’il m’est arrivé plus d’une fois de me servir de mon appareil photo pour me protéger. Sacrilège j’en conviens !!!! Heureusement que j’avais pris mon moyen format, le Fujifilm GFX 50 R et pas mon Leica Q. Et j’ai -heureusement- constaté sans aucun doute possible que le Fujifilm est bel et bien tropicalisé (au contraire du Leica Q) car je l’ai ramené vous l’imaginez bien, dans un sale état 🙁 Le pauvre, il a payé cher !!

Bordée de dunes, cette plage, à l’instar de nombreuses autres de la mer du Nord, est magnifique. Mais je m’attendais, je dois l’avouer, à des espaces plus sauvages et où la présence humaine est plus discrète. Mais il est à croire que décidément nous sommes vraiment partout et que nous ne laissons aucun espace tranquille … Pour la protection des dunes, les chemins sont tous jalonnés bien souvent en bétonet il y a malheureusement très peu de perspectives qui soient vierges de toute construction. Et visiblement ce n’est pas près de s’arrêter !

Dans cette ambiance assez apocalyptique bien sûr on ne peut que se demander ce qu’il va advenir avec l’accélération du changement climatique. Les Pays-Bas font partie des pays les plus vulnérables avec un tiers du territoire qui est sous le niveau de la mer. Je ne sais pas si leurs digues vont bien tenir, mais une chose est sûre c’est que ce jour de tempête, les baraquements disséminés tout le long de la plage semblaient bien fragiles et proches d’être ensevelis par le sable !

Et puis ces nouveaux ensembles d’immeubles, que viennent-ils faire là ? Cette plage est située à une dizaine de kilomètre de La Haye et y aller, c’est avoir l’impression d’arriver au bout du monde, dans une sorte de no mans land. Que feront ceux qui viennent vivre ici ? Loin de leur travail probablement – car vu le style des immeubles plutôt haut de gamme ça m’étonnerait que ce soit le vendeur de frites qui y habitera – il faudra qu’ils prennent leur voiture évidemment …

Malgré ce côté un peu plus sombre, j’étais d’excellente humeur ! Que demander de plus ? Un paysage magnifique, des conditions météo exceptionnelles avec des éléments fantastiques, une lumière certes plate mais parfaite pour éviter des ombres qui auraient certainement gâché l’effet du vent, et par dessus tout, cerise sur le gâteau, la présence de ma pioupioutte 😉

C’est pourquoi vous aurez peut-être remarqué que les photos que je vous ai présentées jusque là sont finalement relativement lumineuses et loin d’être tristes. Car oui, je vous le dit tout de suite, je le revendique même, je suis une accro du post-traitement, ou pour reprendre le terme traditionnel de la photo, du développement. Certes ici, ce ne sont pas des pellicules, je n’ai pas besoin de chambre noire ni de chimie. Ce sont des fichiers et ma chambre noire est mon logiciel (Capture One). Mais je ne fais aucune différence entre les deux sur le principe, même si dans les faits je concède sans problème que le développement en « chambre claire » (le logiciel) est beaucoup plus facile, moins chronophage, moins coûteux et in fine beaucoup plus pratique 🙂 J’ai d’ailleurs beaucoup de mal à comprendre les photographes qui font de leur « non développement » un orgueil. Pour moi ça n’a pas de sens car c’est comme s’ils donnaient leurs pellicules dans un supermarché où elles seront développées automatiquement, toutes de la même manière (les siennes et celles de tous les voisins), sans attention aux zones qui mériteraient d’être soulignées par un éclaircissement ou un assombrissement, un léger coup de sur ou sous exposition, … C’est vraiment considérer que l’acte photographique s’arrête au moment de la prise de vue alors que ce n’est pas du tout le cas. Le développement, que ce soit en chambre noire ou en chambre claire fait partie du processus de la photographie !

Bref, tout ça pour dire qu’au moment du développement de mes photos de cette tempête, j’étais encore sous le coup de ma bonne humeur et que j’avais envie de photos au rendu plus gai que ce que les conditions réelles de prise de vue m’avaient offertes.

Ayant donc repris mes photos quelques jours plus tard, j’ai senti que quelque chose n’allait pas vraiment. A l’heure où je vous écrit et en toute honnêteté, je ne sais toujours pas ce qui ne va pas, mais quelque chose me chiffonne. Je ne dis pas que les photos que je vous ai présentées précédemment ne me plaisent pas, sinon je ne vous en aurai pas montré autant 😉 Non, non, je les aime bien comme ça mais je sens que je ne suis pas allée au bout.

Grâce au recul sur ma bonne humeur, j’ai donc essayé un développement beaucoup plus sombre, avec une ambiance plus oppressante dont je vous montre quelques exemples ci-dessous :

Je n’ai pas encore arrêté ma décision et de toutes façons cette seconde mouture devrait être retravaillée plus finement afin de mieux harmoniser les expositions des photos. Mais je pense que ces photos se rapprochent plus de ce que je souhaiterais exprimer. En tout cas, pas vraiment le calme après la tempête comme pour la première série de photos 😉

Et c’est là où nous touchons à la solitude du créatif car je ne peux pas vous demander laquelle des 2 interprétations vous préférez. Tout d’abord il serait impossible pour vous d’y répondre car, à juste raison, vous me demanderiez certainement quelle est mon intention ! Ensuite, il arrive forcément un moment où l’auteur doit prendre ses propres responsabilités s’il veut vraiment être sincère. Et la sincérité ne ne veut pas dire chercher à plaire au plus grand nombre et encore moins demander des avis. Des conseils oui sans aucun doute, des avis non 🙂

Voilà donc où j’en suis, entre 2 eaux, entre 2 tempêtes et je pense donc qu’il faut laisser encore du temps pour mûrir cette série. Peut-être qu’elle s’arrêtera là, et peut-être plus probablement, qu’elle fera partie d’un projet plus général. Mais comme on dit communément – et avec grande sagesse – laissons du temps au temps !

Mais mis à part cela, laissez-moi vous donner un conseil (ça j’ai le droit 😉 ). Prenez votre temps lorsque vous revenez d’une séance photo car il se peut que les conditions de prise de vue aient influencé plus que raison votre jugement. Ne jetez pas non plus les photos que vous trouvez ratées, hormis bien entendu celle qui sont vraiment, vraiment ratées 😉 Laissez en pause l’émotion du moment et gardez vous du temps pour prendre du recul !

Pour finir, je ne peux pas résister à vous montrer une vidéo pour que vous puissiez voir en mouvement ce sable voler incroyablement. Je vous le dit, c’était magique !

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6 pensées sur “Le calme après la tempête ?

  1. Quel magnifique article. Je suis comme toujours très touchée par ce que tu exprimes tant au travers de tes instants saisis que par tes mots. Cette vidéo est magnifique. On s’y perd, on y avance, on ne sait plus.
    C’est somptueux.
    Merci ?

    1. Bonjour Cécile ! Bien sûr, rien n’était prémédité et j’ai eu une chance folle d’avoir cette tempête ! C’est la première fois que je voyais un tel phénomène et cette impression de se perdre sur une autre planète était réelle ! Merci 1000 fois de ta sensibilité !!!

  2. Pour ma part, j’ai une nette préférence pour la première ambiance. Avec cet aspect cotonneux et ce ciel quasi uniforme, j’ai dû mal à percevoir la tempête. Il y a un côté mélancolique, qui me fait penser au temps qui s’écoule comme dans un sablier. Mais ce n’est peut-être pas ce que tu souhaites transmettre dans cette série !

    1. Bonjour le P’tit Nicolas ! Merci infiniment de partager ton ressenti ! Il est indéniable que la première « version » est beaucoup plus « silencieuse » et en effet hors du temps. Elle ne rend plus compte de la furie des éléments. Mais la question est : qu’est-ce que je veux transmettre ? Je n’ai pas encore la réponse 😉 😉 😉

  3. Bonjour Laurence,
    J’aime bien cette ambiance avec le vent sur ces dunes de sable. Je constate que le gfx50r a aussi une autre particularité que de faire des photos, il protège…

    1. Bonjour Marc !
      Hihihi, oui il protège, mais je ne te raconte pas le nettoyage que j’ai dû faire … Plusieurs semaines après je retrouve d’ailleurs encore du sable dans les interstices, dans mon sac photo, dans mes vêtements… Ceci dit, c’est plutôt rassurant. Il était vendu comme un appareil tout terrain et il s’avère qu’il a bien tenu ses promesses !

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