La Boîte à photos* fête ce mois-ci sa première année d’existence, aussi avons-nous voulu marquer cet événement en traitant pour cette édition d’un sujet au final assez peu courant en photographie : l’expérience.
Ah ! C’est tout un programme ! Ce qui est fantastique, c’est que tout le monde peut acquérir de l’expérience, que tout les jours nous en accumulons un peu plus et que cette aventure ne se finit jamais pour qui veut la poursuivre. N’est-ce pas un beau tour de manège et qui a de quoi encourager ceux qui se lancent dans la dance, ceux qui ont déjà fait un pas et ceux qui sont déjà dans le tourbillon ?
Que nous apporte l’expérience, en quoi est-elle un atout et pourquoi est-elle si précieuse ?
Simplifions-nous la vie avec la technique pure et dure
Parler d’expérience en photographie signifie obligatoirement passer par le côté technique de notre discipline. Je soutiens que c’est une technique simple car le principe est strictement identique pour tous les types de photos et d’appareils photo existants : il suffit de comprendre le couple vitesse/diaphragme. Une fois qu’on a compris comment ces 2 paramètres interagissent entre eux, qu’on sait les ajuster avec un 3ème paramètre qui est celui de la sensibilité, la technique est acquise et on est libres de faire nos petits mélanges pour obtenir l’image que l’on souhaite. Ce sont les pinceaux qui vont nous permettre de peindre avec la lumière.
J’ai remarqué qu’il y avait 2 types de photographes inexpérimentés photographiquement : ceux qui laissent leur appareil photo sur « tout automatique » et ceux qui s’engouffrent au contraire dans le « tout manuel ».
En effet, ceux qui restent sur le mode tout automatique sont rarement satisfaits de leurs photos car ils ne réalisent pas qu’un appareil photo, même le plus beau et le plus cher du monde n’est qu’un machine basique qui n’a pas de cerveau et encore moins de coeur ! Certes, leurs photos sont souvent bien exposées d’un point de vue « ingénierie », mais qu’en est-il de cette ambiance lumineuse si particulière et qui donnait une ambiance incroyable et qu’ils n’arrivent pas à retrouver dans leurs clichés ? Ceci dit, ces personnes ont pour atout de pouvoir se concentrer pleinement sur la scène à photographier.
A l’inverse, il y a ceux qui pensent qu’une bonne photo passe obligatoirement par le mode « tout manuel », et que tout occupés à contrôler l’écran en oublient de voir que le sujet qu’ils photographient est mal placé dans le cadre. Mais là aussi ces personnes mettent malgré tout un atout de leur côté : elles gagnent en connaissance du fonctionnement du trio vitesse/diaphragme/sensibilité.
Je crois pour ma part qu’on apprend mieux et plus vite en choisissant la voie du milieu : le mode semi-automatique qui rassemble les atouts de chacun et élimine partiellement les inconvénients.
Une anecdote me vient à l’esprit. Dernièrement nous avons eu une petite discussion au sein du groupe de photographes de la boîte à photos pour savoir qui parmi nous utilise le mode tout manuel. Et bien personne, sauf dans des conditions exceptionnelles et particulières ! Tout le monde travaille en mode semi-automatique. Pourquoi ? Tout simplement parce que notre expérience nous a montré que pour être réactif et créatif il fautqu’on se simplifie la vie et ce mode répond parfaitement à nos attentes car on ne s’occupe plus que d’un seul paramètre : l’ouverture OU la vitesse. Je veux figer le mouvement ? Je me mets en priorité vitesse. je veux au contraire un flou de profondeur de champs ? Je passe en mode priorité ouverture. Pour me reste, je laisse l’appareil photo faire les calculs.
Ceci dit, chaque appareil photo réagit différemment selon la marque, le modèle, l’objectif et/ou la longueur de la focale (par exemple un 50 mm ou un 250 mm). Et là, seule l’expérience avec votre appareil peut vous apprendre comment il se comportera dans telle ou telle situation. Un conseil donc : ne changez pas trop souvent d’appareil photo, prenez le temps de bien maîtriser et connaître les réactions de celui qui vous suit partout, vous n’en serez que plus à l’aise pour anticiper vos images.
Ceci nous amène donc à la partie la plus intéressante du sujet :
L’expérience, une formidable construction créatrice !
Reprenons donc ce que je disais ci-dessus, à savoir que la connaissance de votre matériel est indispensable pour vous en servir à des fins expressives. Que votre prise de vue soit anticipée (vous avez avec vous tout le matériel possible et imaginable) ou qu’elle soit improvisée avec les moyens du bord, il arrive toujours qu’on soit pris de cours un jour ou l’autre pour 1000 raisons. Je ne vais pas parler ici du manque d’inspiration car cela arrive au meilleur d’entre nous, et parfois plus souvent qu’on ne le croit ! Non, je vais parler de la situation par exemple où j’avais prévu une séance photo dehors, par un beau soleil resplendissant. Or, évidemment, ce jour là le ciel est bas, la lumière est terriblement plate et tout est d’une tristesse sans nom. Ou alors, je vais à une soirée, j’ai mon petit compact avec moi « au cas où » mais je sais bien dans mon fort intérieur que je ne pourrai rien faire avec lui de bien intéressant car il lui faut beaucoup de lumière ! Je suis convaincue que c’est avec ce genre d’expériences malheureuses qu’on apprend beaucoup. Parfois à renoncer, c’est vrai, mais d’autres fois en changeant d’idée originale et faisant des photos avec les obstacles, voire en en faisant nos alliés !
Il fait trop sombre pour mon compact. Tant pis, je monte les iso et je pense en n&b car le bruit numérique qu’il génère à haute sensibilité est horrible. Malgré cela, il fait trop sombre pour obtenir une photo nette. Qu’à cela ne tienne, elle sera floue, pourquoi pas ! Ma fille est suffisamment expressive avec son chewing gum, son tee-shirt Titi et son collier de smarties. J’aime finalement ce clair-obscur qui va à l’encontre de l’image classique de l’enfance.[/two_columns_one]
Me voilà bien ! Ce jour là, rien à faire, la lumière ne voulait pas venir et le paysage était triste comme une tombe ! A nouveau je me mets en mode noir et blanc dans ma tête et je me concentre du coup sur le graphisme de mon environnement.
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De ces expériences, j’apprends à gérer les basses lumières, à contrôler le flou, à le chercher même et à faire d’un image extrêmement banale une image un peu plus intéressante !
[/two_columns_one] [two_columns_one_last] Et de ma recherche des lignes et des formes, je me souviens à quel point elles peuvent être structurantes. Et de mes problèmes de lumière au compact, j’ai appris avec l’expérience à avoir la main ferme mais le doigt léger et à retenir ma respiration. [/two_columns_one_last] [divider]
Je me souviens que mon premier professeur de photographie nous avait dit que nous les photographes ne voyons pas le monde de la même manière que les autres. A l’époque, tout à fait novice en photographie, j’avais pris cela en souriant et plutôt comme une coquetterie de confrérie. Mais c’était avant que mon expérience ne s’étoffe. Car je dois bien avouer aujourd’hui qu’elle avait raison. A force de regarder et de chercher des éléments intéressants dans notre environnement, il y a une quantité de choses et de situations qu’en un autre temps je n’aurais certainement pas remarquées, ou en tout cas, certainement pas de la même manière.
C’est qu’avant j’étais spectatrice, et pas metteur en scène d’images !
C’est en cherchant toujours et encore comment mettre en valeur mon sujet que je me suis rendue compte du potentiel monumental de la composition et du cadrage. Et plus on gagne en expérience, plus on est rapide et réactif et nous intégrons sans même plus y penser des règles de base telle que la règle des tiers ou celle des successions de plans par exemple. Ce qui est un facteur primordial pour réussir des photos où le fameux instant décisif compte particulièrement.
Mais ces règles de base un jour ou l’autre on finit par ignorer exprès. Arf, car c’est encore un autre pan de l’expérience ! Tout d’abord, on prend confiance en soi. Puis, pour la plupart d’entre nous, on regarde énormément de photos. Avec l’accès à internet, c’est d’autant plus facile et on s’abreuve à loisir de toutes ces images qu’on aimerait nous aussi avoir réalisées. C’est bien, très bien. Toutes ces images qui nous touchent nous servent de modèle et d’inspiration et comme durant tout apprentissage, on essaye de reproduire ce qui nous a touché. Mais avec l’expérience, ce n’est pas qu’on se détache de ces modèles ni qu’on les aime moins, pas du tout, mais on cherche à faire autre chose, des images qui nous ressemblent vraiment et qui représentent notre expression propre. En fait, nous agissons ni plus ni moins comme les enfants qui grandissent, sauf que nous n’avons pas d’age et restons d’éternels apprentis, chaque jour plus mature certes, mais chaque jour avec de nouveaux acquis qui ne demandent qu’à être dépassés.
L’expérience nous apprend à braver les interdits, à escalader les barrières, et en photographie, elle a ceci de particulier de nous laisser à chaque fois surpris et étonnés de nos propres audaces.
L’expérience en photographie est un puits sans fond dans lequel on s’enfonce avec un immense délice !
Bonjour à tous et … bonnes nouvelles photos !
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* Pour ceux qui connaissent pas la Boîte à photos, il s’agit d’un collectif de blogs francophones parlant de photographie et qui chaque mois propose de réfléchir autour d’un thème choisi ensemble. Chacun étant libre de traiter le sujet à sa manière, cela donne une vraie richesse et diversité de points de vue que je suis certaine, vous ne manquerez pas d’apprécier !
Pour cette édition de la Boîte à photos, c’est Sébastien Fanget qui joue le rôle de site hôte et qui a donc l’énorme responsabilité de rassembler nos articles sur une même page et d’en faire la synthèse en fin de semaine. Si vous ne voulez louper aucune parution d’ici là, rejoignez-nous sur Facebook ou sur Twitter !!
Merci à Laurent Vaissade de jogg.com pour le logo
Très sympa ce billet 🙂
Pour le mode M, je suis pas tout à fait d’accord : je l’utilise beaucoup (je dois être le seul de la boite à photos visiblement).
Mais c’est sûrement parce que le type de photos que je réalise le nécessite (panoramique par assemblage) ou parce que mon matériel (j’ai beaucoup de vieux tromblons argentiques) ne possède que ce mode là.
Sinon, je suis en priorité Ouverture dans « la vie courante » 😉
Bonjour seb ! C’est donc bien ce que je dis, en utilisation courante (je ne parle pas de projets particuliers comme le panoramas, la photo nocturne, etc …) et avec des appareils « modernes » comme c’est le cas pour la plupart d’entre les photographes aujourd’hui, il n’y a pas de raisons d’utiliser le mode M ! Et le mode priorité Ouverture dans la vie, c’est le bien meilleur qui soit 😉
J’aime ton article , la progression de ton article qui part de la technique basique et des normes pour progresser vers les interdits . Je retrouve beaucoup mon cheminement personnel dans tes phrases . Ta première partie est en quelque sorte la gestation , la grossesse et cela se termine avec la naissance . J’aime particulièrement ta phrase » nous agissons ni plus ni moins comme des enfants qui grandissent… » et ta définition finale de l’expérience , « l’expérience nous apprend à braver les interdits,à escalader les barrières… » même si perso j’aurais remplacé le mot « apprend » par « permet ». Phil
Superbe article, moi qui suis débutante, je le trouve très instructif et très bien écrit… 🙂 J’avoue n’utiliser que le manuel mais c’est par pur apprentissage, car n’ayant pas un esprit très logique mais plutôt rêveur et littéraire, il m’a fallu un long moment pour bien comprendre le couple vitesse/diaphragme, du coup je me mets en manuel pour apprendre à les apprivoiser (sinon, je me connais, je tomberais dans la facilité de l’automatique), et à force de pratique, ça commence à « rentrer » et à devenir un réflexe naturel ! Mais il est clair que le mode semi-automatique est quand même un bon compromis vers lequel je commence peu à peu à me tourner depuis que je comprends mieux le fonctionnement technique d’un appareil photo. 🙂
Un grans plaisir à lire cet article, comme souvent ici 😉 Bravo Laurence !
Bonjour Laurence, non seulement tu fais de belles photos mais en plus tu parviens parfaitement à mettre en mots ta démarche photographique. Je me retrouve tout à fait dans ton propos sur un sujet pas forcément évident. Je rejoins Philippe, bravo pour cet article vraiment bien construit 🙂
Merci, Laurence… C’est tout très clair.
Tres beau billet où j’ai bien apprécié la discussion autour du choix entre mode automatique ou tout manuel.
Même si comme beaucoup de confirmés maintenant je fais le choix de modes semi automatiques, il existe une ultime solution pour se passer du mode tout manuel lorsque l’appareil n’expose pas correctement la scène photographiée : jouer avec la compensation d’expo (les fameux IL) mais aussi jouer avec le mode d’exposition (pondérée centrale, spot ou matricielle). Cela fait un eu plus de paramètre à gérer pour obtenir le resultat escomté, mais tout devient possible en maitrisant ces reglages.
A plaisir de te lire,
Aymeric
Salut Laurence,
article très intéressant. J’ai beaucoup aimé tes photos commentées. L’expérience par l’exemple, j’aime !
Bonjour à vous !
Je suis ravie que ce petit article ait apporté de « l’eau à votre moulin » comme on dit ! Et merci pour vos réactions qui à leur tour nous en apportent !
@ Philippe : on chipote sur les termes et tu as bien raison, mais je maintiens que l’expérience nous « apprend » 🙂 Il me semble que dans le mot apprentissage il y a la notion d’implication de celui qui reçoit, il y a échange. Le terme permettre est plus neutre, et je crois que pour que l’expérience soit vraiment porteuse de fruits, il faut s’impliquer à analyser les situations.
@ Marie et Aymeric : c’est très bien Marie, tu es très courageuse ! Ceci dit, essaye de ne pas trop t’embêter avec ce mode et passe vite au semi-automatique. Car comme le souligne Aymeric, tu peux jouer ensuite sur la compensation d’exposition et le mode d’exposition. je n’ai pas abordé cet étape dans cet article car je ne voulais pas rentrer dans les détails de la technique. J’y avais fait allusion de manière plus approfondie dans un autre article de la boîte à photo qui traitait du contre-jour. Si ça t’intéresse, tu peux aller jeter un coup d’oeil ici : http://www.photofolle.net/le-contre-jour/
@ Régis : expérience = expérimentation … Donc l’expérience par l’exemple est ce qui me semble être le plus parlant !
@ tous les autres : Je suis contente de vous avoir apporté mon petit bout d’expérience 🙂
Il y a tout là dedans. Une vraie bonne leçon de photographie. j’aime beaucoup.
et des petites perles. « les photographes ne voient pas le monde de la même manière que les autres » c’est tellement vrai. Il y a une notion que j’aimerai te voir aborder, c’est celle du « l »humilité » du photographe. La nécessité pour le photographe ne pas se croire capable de tout maîtriser parce qu’il croit savoir tout sur l’hyperfocale et qu’il a le dernier nikon.
Bonjour Dominique ! et merci pour ton apport à la discussion 🙂 Il y a beaucoup de choses que je n’ai pas abordées ici et c’est vrai, tu as raison, l »expérience nous apprend également l’humilité ! Que de fois sommes-nous sûrs de nous et lorsque nous rentrons chez nous, paf ! On se rend compte qu’on a complètement négligé un paramètre, du genre on est resté sur les 1600 isos de la dernière prise de vue et toutes nos photos sont bruitées, ou alors, ce jour là, tout simplement rien n’allait et toutes nos photos sont moches 🙂 Si si, je maintiens, ça arrive au meilleurs d’entre nous !
Merci pour cette note. Continuons à grandir comme des enfants, alors, et osons… 🙂
Encore un article très intéressant que tu nous a préparé pour la boite à photo. Je me reconnais dans tes descriptions. Je pense qu’il est important de commencer avec le mode manuel et de l’expérimenter au début. Ensuite une fois qu’on a un peu plus d’expérience, faire confiance au mode semi-automatique ou on saura comment va réagir notre boitier en fonction de la lumière. Je te rejoins sur la vision qu’on a du monde une fois qu’on a mis un pied dedans, on voit les lignes, les scènes, les plans… parfois à en avoir mal à la tête et il faut parfois se forcer a se vider un peu l’esprit 🙂
Le problème de la photo, c’est comme la lecture ! Une fois qu’on a commencé à faire des photos et à apprendre à « lire » notre environnement, on le fais sans arrêt sans faire exprès ! Difficile dans ces conditions de se vider l’esprit …
Merci à vous Pastelle et Lucie pour votre passage 🙂
Bravo Laurence, Excellent article, très instructif. Je me sens la « petite fille » devant tes photos, Comme devant celle d’Anne-Laure d’ailleurs. Vous m’apprenez beaucoup
[…] « L’expérience, une formidable construction créative » par Laurence de photofolle.net […]
Un article très intéressant ! Moi aussi je suis passée par le mode M, mais je l’ai vite abandonné pour les modes priorité… Je crois, comme tu le souligne, que l’on sent que l’expérience vient lorsque l’on arrive à s’affranchir de la technique pour la mettre au service de notre sensibilité personnelle. Comme dit Anne-Laure, il faut « apprendre à désapprendre » !
Bonjour Cricriman et bienvenue à toi ! Je suis ravie de lire que je t’apprends beaucoup, c’est une vraie fierté pour moi 🙂
Pascaline, tu as tout compris !!!
Je découvre ce blog d’une élégance rare, après une course à perdre haleine à travers « les pâturages du ciel ». La photo de votre fait qui y sommeille est (j’ose) du tonnerre ! Merci pour ce moment de pure poésie.
Jonas D.
Merci Jonas D ! Je comprend qu’on puisse perdre haleine à travers les « pâturages du ciel » et je suis heureuse qu’ils nous aient permis de nous rencontrer 🙂
très intéressant et riche, ton post.
Je ne suis pas une adepte du tout manuel, que je ne maîtrise pas (et puis j’suis un peu flemme), mais le semi automatique regarge de richesse aussi.
Et puis, il y a le post traitement…
Le numérique a quand même bien révolutionné le monde de la photo, il est loin le temps où on comptait ses essais…