Les gens sont souvent perplexes quand ils me voient avec mon bout de plastique noir entre les mains pour photographier. Et quand ils se rendent compte qu’en plus il pèse 50 grammes, qu’il tient grâce à des bouts de scotch, et que, comble de tout, il fonctionne avec une pellicule, leur regard sur mes facultés mentales et artistiques passent parfois de la bienveillance à la franche interrogation.
Ceci dit, je les comprends ! Moi même je me demande parfois pourquoi je me donne tout ce mal pour des résultats souvent médiocres, enfin disons acceptables ou banals. Et pourtant je continue …
Je continue car quand je l’ai en main, je me mets dans un état d’esprit assez particulier assez difficile à décrire d’ailleurs. Je crois que ce qui ressort avant tout, c’est le fait de renoncer à maîtriser l’image finale et accepter en quelque sorte la fatalité. C’est quelque chose de très difficile pour moi car je suis plutôt du genre à multiplier les prises de vues quand je suis avec un appareil numérique, tout ça parce que je sais ce que je veux obtenir, que je l’évalue tout de suite sur l’écran arrière, et que si ça ne convient pas tout à fait, je modifie le cadrage ou je change de réglages. Bref, je suis dans la maîtrise.
Avec mon Holga, c’est quasiment tout le contraire : cadrage et mise au point approximatifs, impossibilité de vérifier, « qualité » pourrie de l’objectif et comportement par rapport à la lumière totalement aléatoire. Et pourtant j’adore ! Pourquoi ?
Parce qu’il me donne des images comme celle-ci :
Et que je n’ai pas fait exprès !!!!!
Alors je peux comprendre que certains d’entre vous n’aimeront pas du tout. Mais moi, en tant que photo, je la trouve géniale parce que tous les défauts sont juste au bon endroit. Bien entendu, vous aurez remarqué que le « scratch » de lumière rouge tombe pile poil sur le cerf volant, que le rond nous rappelle le soleil, qu’il y a ces incisions de lumière en bas, qu’on aperçoit même les chiffres de la pellicule ! Et les teintes ! Incroyables non ? Moi, direct, elle m’illustre le mythe d’Icare.
Ce gros amas rouge n’est pas seulement de la lumière, c’est … je ne sais pas ! Tout ce dont je me souviens, c’est qu’au moment d’enrouler la pellicule, j’ai senti une grosse résistance. Je soupçonne mon morceau de mousse que j’ai mis à l’intérieur de l’appareil pour mieux fixer la pellicule d’en être la cause. Ça pourrait être la colle. J’avais eu un peu le même phénomène, mais comme inversé sur cette image :
Bien entendu cette démarche soulève le problème de la maîtrise artistique ! Jusqu’à quel point peut-on lâcher prise sur sa capacité d’intervention ? Vous imaginez bien que je n’ai pas la réponse, des thèses entières sont encore consacrées à ce sujet.
Je n’ai pas créé les éléments de cette image mais malgré tout je suis allée à leur recherche. J’avais pris mon Holga dont je connais les réactions aléatoires, j’avais une pellicule couleur dont je sais que le Holga les intensifie de « manière un peu brutale », je me suis placée en fonction d’un angle particulier du soleil car je savais que j’aurais ainsi des artefacts. Pour le reste, j’ai laissé jouer le hasard. Lequel hasard, soit dit en passant, ne me semble pas être de la même nature que ceux créés par les appareils numériques (je pense notamment à ces applications pour I phone de type Hypstamatic, que j’utilise moi-même de temps à autre donc attention, je ne les dénigre pas, hein !) . Mais ici, il n’y a aucun algorithme pré-établi par un quelconque ingénieur, et je ne pense pas me tromper en disant que cette image est véritablement unique. Et bizarrement, ma satisfaction en est encore plus accrue.
Alors voilà, je crois que c’est pour des images comme celles-ci, uniques, inreproductibles (irreproductibles ?) que j’aime mon Holga !
Bref merci!!! :cheerful: 😆
Expliquer pourquoi tu aimes ton Holga, c’est juste ce dont j’avais besoin pour parler de toi.
C’est assez marrant. Autant je hais le snobisme imbécile de beaucoup de « lomistes », autant je respecte ta façon de chercher une image non maitrisée.. Je fais un peu pareil avec non numérique en déclenchant au hasard, dans la foule, sans viser.. Aucune maitrise sur l’image. c’est ce que tu expliques bien ici.
Bravo.
vais mettre un petit texte à ton propos sur mon blog, demain.
Bonne journée
Olala, quelle frustration ! Depuis hier, exactement après avoir posté cet article, je crois que j’étais la seule au monde à ne plus pouvoir me connecter à mon propre site. Et je suis en train de croiser les doigts pour que mon message aie le droit d’apparaître. C’est incroyable quand même cette histoire, car visiblement, vous, vous y avez eu accès !
Mais revenons à notre Icare 🙂 Pour ceux et celles qui ne connaissent pas ou peu le Holga, j’en ai déjà parlé à plusieurs reprises. Cliquez sur le mot clé Holga et vous verrez les articles. Sinon, un petit coup de google et vous saurez tout sur la bête !
Je suis vraiment ravie si ces images vous donnent envie d’essayer. Allez-y, lachez-vous ! Ca ne coûte vraiment pas grand chose : 19 euros l’appareil photo sur ebay, 5 euros de pellicule, développement 6 euros, tirage, je ne sais pas vu que je scanne les négatifs. Mais bon, pour un premier essai, allez, comptons 50 euros. Parfois, on fait des sorties qui ne durent pas plus longtemps et qui coûtent largement aussi cher et qui ne nous ouvrent pas autant de portes à la création. Sans compter qu’après, ça revient bien moins cher !
Cécile : pour ma part, j’ai effectivement attendu d’être plus sûre avec mon numérique. Bizarrement, l’idée de mettre à l’argentique a été aussi motivée par le fait que j’avais envie de me mettre à l’épreuve pour savoir si je faisais de bonnes photos 🙂
Dominique : Merci de tout coeur pour ce bel hommage ! Je suis sincèrement très touchée ! (je viens juste de le lire et ça a été une belle surprise vu je n’avais pas connaissance de vos commentaires !). C’est drôle ce que tu fais, moi, je n’ai jamais osé. faire des photos, comme ça, au hasard, c’est fort ! Comme quoi je suis encore très loin du lâcher prise total !
Chri : le Holga (mais il y en a plein d’autres de ce genre) n’est ni plus ni moins qu’une boîte en plastique pourvue d’un objectif. C’est certainement un dinosaure par rapport aux boîtiers d’aujourd’hui !
Cathy : on ne doit pas être si éloignées que ça ! Je ne suis pas encore capable de photographier sans cadrer comme le fait Dominique 🙂 Ceci dit, quand tu as un certain type de matériel (et je préfère parler d’outil d’ailleurs), c’est intéressant d’essayer d’obtenir ce que tu souhaites en tenant compte de ses spécificités. Tu peins, donc je suis sûre que tu comprendras le parallèle que j’aime faire avec les outils photos : tu ne pourras jamais obtenir la même toile si tu utilises de l’huile, du pastel, de l’encre de chine … L’important n’est pas la matière première que tu utilises, mais pourquoi tu l’utilises.
Véronique : pour moi aussi, je dois avouer, elle est bien mystérieuse !
Marie : vas-y, essaye ! Ce n’est vraiment pas la mer à boire 🙂
Miblou : tu mets effectivement le doigt sur l’aspect également très intéressant de cet appareil photo : il te fais à proprement parler des clichés uniques. En plus, ce que je n’ai pas précisé auparavant, c’est que l’image finale ne dépend pas seulement de ta position par rapport à la lumière, mais aussi de la manière dont ta pellicule est tendue à l’intérieur. Et celle-ci varie constamment !
Jeanne : contente d’avoir une copine de Holga !!! Et encore plus que tu dises que tu ne regrettes pas ! En fait, vu que ce n’est vraiment pas un gros investissement, on ne se sent pas obligé de le prendre tout le temps. Pour ma part, je suis loin de l’utiliser à toutes les sauces. D’ailleurs, je toruve que son rendu est tellement particulier et fort qu’il me semble qu’à la longue ça serait fatiguant !
Concernant la mise en vente, bien entendu qu’elle y est ! Il suffit d’aller voir le portfolio 🙂
Phil : 100000 % d’accord avec toi ! C’est l’envie de créer qui est importante ! Et tu es pardonné pour le dréer :)))
Spiruline : Hiroshima … Est-ce que c’est le cerf-volant qui te fait penser au Japon ? C’est tout à fait possible. C’est drôle car régulièrement j’ai des remarques sur des photos qui font penser à des choses « japonisantes ». Ce n’est d’ailleurs certainement pas pour me déplaire, j’adore ce pays !!! En tout cas, nous sommes d’accord sur le sentiment assez violent et dramatique de l’image ! Icare, Hiroshima, c’est assez proche dans l’idée …
Bon, maintenant que je viens de vous faire un discours bien trop long, je m’en vais cliquer sur « envoyer » et j’espère que ça marchera !!
A très bientôt !
Tu étais intervenue chez Anne-Laure Jacquart il me semble et tu m’avais presque convaincue … J’ai failli acheter un Holga. Mais je me connais : le côté « pellicule » à faire développer, le côté « déception » à la vue du résultat (que l’on ne maitrise pas) … tout ça, c’est pas (encore) pour moi …
Et puis, c’est plus simple de venir chez toi pour voir ces belles images improbables :biggrin:
c’est vrai que le theme de la demarche artistique est problematique mais a partir du moment ou on recherche l’aleatoire je ne crois pas que cela pose de probleme…
en tout cas le resultat est reussi. les couleurs sont assez extraordinaire alors personnellement je dis: encore!
PS: felicitations pour ton site. il est superbe. cela a du etre un gros travail …
Véro : eh oui, il faut être patient, dans tous les sens du terme. Prendre d’avantage son temps à la prise de vue (les pellicules ne contiennent que 12 prises de vue du coup, tu choisis vraiment ton moment) et puis attendre le développement. mais c’est un aspect qui contribue largement, finalement, à la satisfaction. Tu sais, c’est un peu comme faire du sport, de la marche par exemple. C’est dur, tu sues, tu as mal aux jambes, au dos, … mais au final, bizarrement, tu es content …
Gérard : Ah, c’est sûr que ce qui motive avant tout dans ce genre d’exercice c’est d’obtenir une image forte en émotion, loin, très loin de la prouesse technique ! ceci dit, comme je le dis à Véro, qu’est-ce que tu t’appliques au moment de la prise de vue. pas au niveau technique, c’est sûr, mais au niveau contenu et cadrage !
Françoise : « Aimer ses images pour ses défauts ». C’est sûr qu’elle en sont pleines de défauts du point de vue de la photo canonique. mais comme je le dis à Dominique, j’aime frôler le non canonique, voire provoquer le « bien pensant » 🙂
Sage comme une image. Et fauchée aussi.. ^^ »
J’adore le rendu de la première image et vos deux interprétations à toi et à Spiruline.
C’est drôle, en parcourant les commentaires, j’ai vu que tu parlais de peinture et c’est justement ce à quoi me fait penser l’image. J’ai presque pas l’impression de voir une photo.
J’ai un peu le même sentiment avec l’Instax même s’il fait moins de folie. Quelque part, la photo est unique et il suffit d’une petite modification pour que le rendu change du tout au tout.
Oui, il était difficile d’accès hier.
Il me semble globalement assez lent en général. Je ne sais pas si c’est lié au serveur ou bien au programme lui même.
La photographie est un art … auquel l’effet de surprise donne une dimension supplémentaire !
Pour la maîtrise artistique, n’oublie pas non plus que le choix de l’auteur de nous montrer ce cliché plutôt que celui-là pèse aussi beaucoup dans la démarche artistique. Malgré le fait que tu n’aies pas pu tout maîtriser à la prise de vue (rapport à la haute technicité condensée dans un Holga évidemment) ton oeil avisé intervient au moment du choix de garder ou pas la photo, ou de la transformer en autre chose.
Dominique : je crois que c’était le serveur … Mais en même temps, je n’y comprends rien car on m’a dit être impressionné par la vitesse de chargement :sick:
Entremereterre : bonjour et bienvenue à toi :w00t: Je suis ravie que cette idée te plaise !
Ronan : tu as tout à fait raison et c’est un aspect que je voulais aborder aussi ! Tous les créateurs ont de milliers d’esquisses dans leurs cartons. Pour nous photographes, j’ai l’impression que chaque prise de vue en est une, et que c’est seulement quand on la juge valable qu’on décide de la montrer.
Pour tes bon-bines qui attendent depuis des mois, c’est peut-être justement très bien ! Ne dit-on pas qu’il vaut mieux généralement laisser décanter un peu les choses avant de les travailler ? Bon, toi tu fais décanter un peu plus longtemps, voilà tout :whistle:
Bienvenue ici :w00t: On peut fire merci à Dominique alors !
Comme je vous comprends sur la photo créative ! Bien entendu, moi aussi je peut dire que 80 % de mes photos sont « recréées » en post-production. Et le reste du temps, je les « recrée » finalement avant la prise de vue avec mes autres outils.
Merci beaucoup pour les conseils ! Effectivement, je suis en train de mettre en place cet aspect « illustration ». Mais bon, comme on dit, « Rome ne s’est pas construite en un jour » 😉
Toutes les explications sur le Holga (je ne connaissais pas …) ouvrent les « portes » de ton univers sensible, comme le souligne Dominique dans l’article qu’il te consacre.