J’étais en train de faire le tour des photos prises cet été lorsque je suis tombée sur cette séquence où ma petite nièce Rosalie était assise sur un rocher à se raconter des histoires. C’était en Bretagne et il faisait très très beau !!!
Nous étions en fin d’après-midi et ma Rosalie était plongée dans l’ombre. En plein contre-jour, avec sa peau couleur « fondant au chocolat », elle se confondait avec les rochers et sa silhouette sur ce ciel bleu était vraiment jolie.
J’ai pris 8 photos de cette scène, histoire d’ajuster ma composition et mes réglages, et surtout de saisir l’instant où Rosalie serait la plus expressive. Au final, j’en ai retenu 5 à vous montrer car ce qui m’a frappé, c’est le ressenti très différent d’une image à l’autre alors même qu’elles sont relativement similaires entre elles.
Image d’une petite fille pensive, mais pas forcément triste grace à la présence de la mer (on est toujours pensifs face à la mer, non ? Et on n’est pas forcément triste non plus)
Dans cette photo, la mer étant moins présente on se concentre davantage sur la petite fille. Son attitude me semble moins pensive, j’ai l’impression qu’elle est plus en train d’attendre
Dans les 3 photos suivantes, j’ai abaissé mon point de vue afin qu’on ne voie plus du tout la mer et qu’on se concentre seulement sur les silhouettes de l’enfant et de l’arbre.
La photo ci-dessous est assez dynamique, le corps est en mouvement. C’est la seule photo où Rosalie a des bras et des mains et je pense que c’est ce qui lui confère ce dynamisme
J’aime particulièrement la posture du corps ici que je trouve très harmonieuse. De plus, on sent que Rosalie a tourné la tête et il me semble, bien qu’on ne distingue pas ses traits qu’elle nous regarde. On entre en contact avec elle
Enfin, dans cette dernière image, il me semble que la silhouette reflète une très grande tristesse. Le profil que l’on distingue nous montre un enfant qui regarde vers le bas, sa posture est totalement figée, ses jambes sont superposées nous donnant un sentiment de staticité très fort
Il est évident que le traitement noir et blanc très contrasté dramatise la scène, ceci dit, au moment de la prise de vue je n’ai pas imaginé autre chose que du noir et blanc. Toutefois, je ne pense pas que le fait d’avoir laissé le ciel bleu aie changé quoi que ce soit à la perception que nous avons de ces images.
La conclusion ? Les photographes sont des metteurs en scène hors pair et il faut en finir avec ce mythe disant que la photographie est la représentation de la réalité. Il n’y a strictement aucun « trucage » dans ces photos, elles ont été prises à quelques secondes d’intervalle sous des angles différents et avec un sujet en mouvement. Chaque image, bien qu’étant très similaire à l’autre nous plonge dans une lecture différente. La photographie est donc la représentation de ce que veut communiquer le photographe. La photographie est un langage.
PS 1 : Je vous rassure tout de suite, Rosalie est une petite fille tout à fait gaie, vivante et dotée de capacités rêveuses hors du commun. J’adoooore ma Rosalie 🙂
PS 2 : Au moment de la prise de vue j’étais avec ma photographe préférée Anne-Laure Jacquart. J’ai retrouvé une photo qu’elle a prise au même moment. Allez la voir, c’est une vision encore toute différente 🙂 C’est ici
La série est superbe, j’ai une préférence pour la dernière, la plus épurée…
Très belles images mais surtout exercice vraiment intéressant auquel tu t’es livrée. Je partage dans l’ensemble ton ressenti sur ces photos. Sur l’avant-dernière, il me semble voir Rosalie nous regarder avec un sourire hilare. Comme Marine, c’est la dernière que je préfère pour son graphisme très épuré, la petite fille s’inscrivant très nettement dans la bande de lumière oblique, avec un triange noir dans le coin supérieur gauche et un autre dans l’angle inférieur droit qui ferment bien l’image.Yep, du beau boulot 🙂
Je ne vais faire que répéter les commentaires précédents: très belles images 🙂 Avec une atmosphère à la fois elfique et terrienne. Et s’il me fallait en choisir une, j’en choisirais 2: la première qui est la plus statique, comme un rêve immobile, et la dernière, sans trop savoir pourquoi. Juste une histoire d’émotion.
Bonne journée
Très belle série , j’adore la 1° et cette sensation de statue , de pétrification , avec les cheveux qui rappellent la végétation , le dynamisme de la 3° et le sourire dissimulé de la 4° me plaisent beaucoup aussi , enfin la toute dernière et son côté dessin animé japonais j’aime aussi. Il aurait été plus rapide de te dire que seule la 2° me plaisait moins !!
Par contre sur aucune je ne ressens de tristesse ou de « nostalgie » (elle est trop jeune pour cela ) . Beau boulot Laurence , Phil
.. Un ressenti différent d’une image à l’autre, voilà pourquoi j’ai un peu de mal à préférer l’une ou l’autre 😉
Les contre-jours sont superbement contrastés, et en ce qui me concerne, reste à tirer des enseignements de cet exercice ! Merci pour cette leçon de photo Laurence !!
Bonjour à vous et merci de vos réactions !
Je ne sais pas si on peut dire que la dernière est la plus épurée. C’est celle où Rosalie a le moins de « membres » : elle n’a qu’une jambe, un tronc et une tête la pauvre pitchounette. Mais dans l’ensemble ce sont des photos extrêmement minimalistes, et les préférences de chacun se jouent à quelques tout petits détails pret. C’est d’ailleurs fascinant de constater à quel point et souvent inconsciemment, ce sont ces tout petits détails qui vont interpeller les uns ou pas du tout les autres.
@ Spiruline : Ce n’est pas vraiment un exercice auquel je me suis livrée car au final, je me rend compte que pour un même sujet je fais énormément de prises de vue. Cette séquence est donc assez banale pour mon mode de fonctionnement en photo. Car c’est justement parce que je cherche le « meilleur » point de vue que je multiplie souvent les cadrages (et encore plus quand il y a un sujet en mouvement comme ici !). Mais quand je parle du meilleur cadrage, ce n’est pas celui qui sera le plus « académique », c’est celui qui va me permettre d’exprimer, de communiquer ce qui m’interpelle dans la scène.
J’aurais donc envie de dire qu’il ne faut pas hésiter, avec les outils numériques actuels, de multiplier les cadrages, de chercher le meilleur angle, de tourner, se baisser, se relever, attendre, … afin d’arriver à communiquer ce qu’on a envie de « dire ». Nous sommes en quelque sorte les maîtres de nos images (je ne parle pas de l’aspect technique). Pour faire un parallèle, comportons-nous comme les écrivains qui écrivent leurs textes, les relisent, les corrigent, ajoutent ou suppriment un mot pour à la fin communiquer un texte qui sera vraiment le reflet de leur expression.
Bonne fin de journée à vous !
Je suis entièrement d’accord avec ce que tu/vous disez/dites. C’est bien le même travail sauf que pour les photographes s’y ajoute la notion de temps…. La lumière change vite, vite, vite…
Je me permets de rebondir sur ta réponse pour préciser la teneur de mon commentaire. Pour moi, l’intérêt de l’exercice auquel tu t’es livrée et que j’ai relevé ne consiste pas tant dans la multiplication des différents cadrages que dans l’analyse que tu as faite de tes prises de vue. Tu auurais pu te contenter de publier cette série de photos sans commentaire mais tu as mis des mots sur ton travail photographique et sur ton ressenti , et c’est passionant. Quant à la recherche du meilleur cadrage/point de vue, je partage entièrement ton avis. C’est du reste exactement de cette manière que je procède en principe. Et devant mon ordi en visualisant mes images, je suis parfois surprise de constater que la meilleure n’est pas celle que je pensais au départ. A bientôt Laurence et belle journée (très très mouillée chez moi).
Très belle série qui nous emmène petit à petit au cœur d’un livre de contes (d’un point de vue illustration, imaginaire, etc …). La dernière, voire les deux dernière pourraient être des dessins tellement les deux sujets se découpent nettement du fond tout en étant très « stylisés ». C’est très étonnant et très réussi.
Bonne soirée
Bonsoir 🙂
@ Chri : effectivement, le paramètre temps est vraiment crucial chez nous, et pas seulement du point de vue de la lumière ! Tout est susceptible de changer d’un instant à l’autre, y compris nous-mêmes. Et je crois qu’à part des situations relativement rares comme les prises de vue « still life » sur trépied et en studio, il est impossible de reproduire exactement la même image. Tiens, encore un mythe sur lequel nous pouvons nous interroger : la photographie est-elle reproductible ?
@ Spiruline : Aaaah, mais c’est que j’avais pas ben compris ma brav’dame 🙂 Décidément, je suis un peu dure du côté comprenette ces derniers temps. Ceci dit ta précision me permet de rebondir sur une des conséquences de ce que l’on a dit jusque là : ce qui compte, c’est ce que le photographe souhaite montrer, et à la limite, tous les autres clichés qu’il a pris du même sujet n’existent pas parce qu’ils ne sont pas montrés. Si on reprend l’exemple de cette séquence avec Rosalie, j’aurais parfaitement pu ne vous montrer qu’une seule image – et pour tout dire, c’est l’intention que j’avais au départ – Mais alors j’aurais dû choisir laquelle (grosse hésitation entre l’avant dernière et la dernière). Et dans ce cas, vous n’auriez jamais eu connaissance des autres et leur « esprit » différent. Est-ce dommage ? Absolument pas ! Encore une fois, au photographe d’aller jusqu’au bout de sa « mise en scène » et de proposer ce qu’il veut vraiment montrer et exprimer !
@ Véro : Oui, ces derniers temps je me rend compte que mes photos sont de plus en plus contrastées et qui plus est, j’en fais de plus en plus en noir et blanc. Ces photos étaient déjà très contrastées à la prise de vue comme je l’ai expliqué dans l’article, et il ne m’a pas fallu faire grand chose pour « achever » l’affaire 🙂
Merci à vous pour vos précieuses interventions !
Je découvre ce soir cette série, qu, au regard,i m’a déjà évoqué plein de choses (sensiblement similaires aux tiennes ,Laurence) et après tous ces commentaires, je me dis que c’est comme quand on lit une histoire (TRES BON TITRE !) : Il y a l’écrivain (en l’occurence le sujet), il y a le lecteur (le photographe) et il y a l’auditeur(le public : celui qui écoute et qui regarde) et chacun, dans ce trio, a ses propres ressentis et émotions qu’il (ou elle) transmet (plus ou moins; et je pense plus particulièrement au 3ème intervenant en bout de chaîne). La magie du langage réside dans ces interstices de perceptions, non ?
Forcément très émouvant, pour moi, la môman de cette petite perle….
Marie-Laure, c’est drôle mais j’aurais mis les rôles tout à fait dans un ordre différent : l’écrivain est le photographe (c’est lui qui invente l’histoire au départ), le sujet (qui comme chacun le sait échappe parfois à l’écrivain !) et le lecteur qui est le public. Ceci dit, dans tous les cas de figure, je te rejoins tout à fait sur cette communication qui se situe à l’interstice, parfois minuscule d’ailleurs !
PS : embrasse bien fort notre Rosalie !!
A lovely set of images, they work particularly well in B&W
j’aime bien ta démonstration qui dit que la photo est création, et pas seulement reportage, comme certains continuent à le penser…
Superbe série, avec une bien jolie silhouette parfaitement exploitée. J’aime beaucoup.
Bonjour Shooter et Marie !
C’est vrai que le N&B était particulièrement bien adapté Shooter !
Je suis contente Marie que tu résumes la situation ainsi ! Il n’y a rien de plus faux que cet a priori de penser que la photo est la représentation de la réalité. Oui, bien sûr, elle repose sur une situation tout à fait réelle mais vue à travers 2 prismes de toute importance : l’appareil photo et l’oeil du photographe. Cet a priori est non seulement faux, mais illusoire aussi. Merci pour ta contribution :)) !
Bonjour
Je découvre ce site. Très beau travail ! (je veux parler de la photo ; le site aussi mais c’est un autre sujet …). De façon générale et cette série notamment.
Je profite de cet article pour le dire parce que sa conclusion est particulièrement importante. J’en avais pris conscience lors d’une mini-formation sur ces sujets. Une photo n’est jamais neutre : le simple fait de cadrer signifie. Il y a ce que l’on choisit de mettre dans la photo et ce qu’on en écarte.
Bonne journée
Astor, bienvenue ! Et merci pour tes compliments 🙂 Ce que tu soulignes est vraiment important dans la démarche photographique, car effectivement rien n’est neutre, et je suis convaincue que c’est la base de l’expression photographique !
Bien différentes en effet et toutes évoquent quelque chose.. est-ce la silhouette qui nous parle tant? En tout cas je suis fan!
Comme un faune, magnifique, un côté dessin d’animation, entre le Livre de la Jungle et Kirikou, avec beaucoup de grâce naturelle dans sa silhouette. Superbe.
Bonjour k@ et bienvenue ici ! Merci de ton passage et je suis ravie que toi aussi ces images t’aient emmenées loin, loin, loin !!
C’est amusant, je découvre ce site et la 1ère photo sur laquelle je clique dans ce joli patchwork d’entrée correspond à une prise de vue… chez ma chère soeur !!! Super ces silhouettes, vive la Bretagne qui inspire ! Et magnifique dans l’ensemble ce site, toutes ces images sont pleines de douceur et d’émotion… Je continue à y vadrouiller alors !
Bonjour Sylvaine et bienvenue !! C’est vrai que le hasard nous joue bien souvent des tours ! Je suis ravie que mes photos te plaisent, car quand on a une soeur comme la tienne, on doit être sacrément habitué à voir de belles,belles photos !! A très bientôt !
Merci ! Et c’est vrai qu’Anne-Laure fait des photos magnifiques, mais je ne suis pas sure que tu aies beaucoup à lui envier !
Bonjour Laurence,
je reviens faire un petit tour chez toi car j’y ai vu de très belles choses ! J’aime beaucoup cette série, qui ne me paraît pas triste du tout malgré le traitement. Elle me fait plutôt penser à un théâtre d’ombres chinoises…
On a vraiment l’impression d’être dans un autre monde, à observer un petit lutin à la dérobée 😉
Un petit lutin, c’est exactement ça 🙂 Merci Pascaline !!
C’est somptueux, Laurence, vraiment. Une histoire qui se conte, verticale, à l’image de Messieurs Lumière et Lumière. A la fois désuet et bourré de modernité, j’aime vraiment beaucoup ce travail. Bravo.
Jonas
Merci Jonas D. !!! C’est vraiment émouvant quand 2 types de poésies se rencontrent !